Parmi
les institutions soutenant cette initiative figure le Musée
des occupations de Riga en Lettonie. J'ai vu la photo de
M. Barroso dans le hall d'entrée de ce musée voué à illustrer
les trois occupations de la Lettonie. Musée impressionnant
par la qualité des photos, vidéos, objets et panneaux d'information
qui y sont exposés en permanence.
Il est à noter que si la part belle
est faite aux crimes commis par les Soviétiques, la part
faite à la Shoah est plutôt restreinte. Pour l'Holocauste
y domine entre autres une photo très connue prise à Liepaja,
dans les dunes de Skede montrant deux femmes, deux jeunes
filles et une gamine qui cache sa tête dans le flanc et le
bras droits de sa mère. Toutes en sous-vêtements quelques
moments avant leur mort par balle. Cinq pauvres femmes et
filles parmi les 70 000 victimes juives de ce pays. Le nom
du Letton Viktors Arajs est cité, cet homme ayant créé un
commando sous l'égide de la SD, responsable selon certaines
sources de 26 000 à 60 000 meurtres de Juifs.
On pourrait croire que l'équilibre
entre victimes du communisme et du nazisme est respecté,
s'il n'y avait, pour ce musée et la Lettonie en général,
d'autres faits troublants.
Il y a tout d'abord ces photos, une
de l'entrée des troupes allemandes à Riga avec la mention "après une année de terreur, la population accueille les Allemands comme des libérateurs", puis celles de Lettons sous uniforme SS. Il y a ce livre en leur honneur en
vente à l'accueil du musée. Et, aussi, cette commémoration
annuelle du 16 mars à Riga, toujours à la gloire de ces combattants
SS du bolchevisme.
Que dit Efraim Zuroff à propos de
la Shoah en Lettonie ? "Une part importante des Juifs assassinés dans les trois Etats Baltes a été tuée
par des Balte, non par des Allemands ou des Autrichiens (…)
Ces trois petits pays ont donc grandement contribué à la
tentative d'anéantissement des Juifs européens." Qu'a écrit le même Zuroff à propos de la dernière marche d'obédience SS du 16
mars 2010 ? "En réalité, la cérémonie de mardi fut, en certains aspects, le sommet d'un iceberg
très dangereux qui tente de récrire les livres d'histoire
et crée une fausse symétrie en rendant égaux les crimes communistes
et nazis. (…) le ministre letton des affaires étrangères,
Maris Riekstins, a publié une déclaration officielle hier,
dans laquelle il s'attaquait à ma critique de la marche et
tentait de mettre sur un pied d'égalité les souffrances de
toutes les victimes de la deuxième guerre mondiale, comme
s'il n'y avait pas eu une différence entre ceux supportant
le nazisme et ceux s'y opposant."
SUBJECTIVITÉ
Mon étude personnelle de la Shoah
en Lettonie et la consultation d'une abondante documentation,
historique, testimoniale et sur la Toile, m'ont appris, d'une
part, qu'il n'y eut pas que le commando Arajs ni des Allemands
responsables de la destruction des Juifs en Lettonie. Il
y eut des civils, des policiers, des membres de groupes de
défense autoproclamés (Aizsargi, Perkonkrust), des bataillons
auxiliaires de police lettone, des Schutzmannschaften, des
Hiwis et des Trawnikis (prisonniers de guerre soviétiques
embrigadés pour les basses œuvres nazies).
Et, d'autre part, au Musée des occupations,
j'ai acheté en septembre dernier un livre au titre évocateur "Unpunished Crimes – Latvia under three occupations" (Memento - Daugavas Vanagi). Le chapitre II traite des "occupations soviétiques et nazies". Il fait 194 pages au total. Cinq pages sont consacrées à l'Holocauste. Lorsqu'on
cherche sur Google ce qu'est "Daugavas Vanagi", on s'aperçoit vite que son but unique est la remémoration des membres de la
légion SS Lettone et l'aide à leur apporter.
Ne serait-il pas utile que monsieur
Barroso se distancie publiquement d'une institution telle
que le Musée des occupations à Riga ? Qui tout en prônant
le traitement égal et la non-discrimination des victimes
de tous les régimes totalitaires pratique une subjectivité
au sein de son exposition permanente qui frise "la récriture de l'histoire" comme dirait un spécialiste de la Shoah et de la Lettonie durant l'Holocauste…
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